La « rigolade »
Ces quatre jours passés à Macolin ont été incroyablement intenses. Non que nous ayons travaillé beaucoup de points du Kyûdô, au contraire il nous a été demandé de concentrer notre travail sur deux points, valables pour le groupe, et ensuite un ou deux points personnels.
L’intensité vient de mon investissement physique et émotionnel dans le travail qui nous a été proposé.
Je me suis engagé à porter haut le travail que nous faisons à Belfort, alors j’ai tout donné.
Après Itegyosha, Iijima Masao Sensei (飯島正大先生) a donné à la plupart des tireurs un point positif et point négatif. Étant le dernier tireur de la troupe, j’attendais mon tour avec anxiété. Aurait-il quelque chose à dire de mon tir ou non? Arrive mon tour et heureusement il s’adresse à moi, soulagement, je vais avoir des points négatifs à améliorer. Hourra! Ou plutôt Banzai! est plus approprié.
« Kai est très bien et Hanare aussi, mais attention à ne pas laisser l’arc tomber », je n’ouvre pas la main, à priori, car pour d’autre il l’a dit ouvertement mais c’est plutôt que mon Tenouchi est trop lâche. Il me faut un peu plus de poigne dans le Tenouchi.
Et… c’est tout?
Oui à priori c’est tout! J’ai l’impression d’être placer dans le rôle du bon élève, de devenir la référence du Sensei pour le reste de la troupe. Je ne m’attendais pas à ça! La pression monte, il faudrait bien que j’en descende une. Il me faut être irréprochable pour le Sensei. Je veux qu’il ait du plaisir à nous enseigner. Cette pression je me l’impose tout seul. Maso!
En fait, je comprends très vite avec le thème du travail du stage, que j’ai plus à corriger qu’on ne me l’a dit.
Tenouchi, problème récurrent dans la pratique du kyûdô. L’explication du Tenouchi est en fait très simple, les racines des index et auriculaire sont placées sur l’angle gauche du Todake et l’ensemble des majeur, annulaire et auriculaire viennent s’aligner sur le centre du Nigiri du Uchidake. Le poignet est cassé. Moi qui mettais un point d’honneur à avoir un Enzo impeccable des mains aux épaules. Ma position était fausse. Cette correction en entraînant une seconde: Yunde ne tourne pas sur l’arc. La position de Yunde est fixe par rapport au bras de gauche, PAS DE MOUVEMENT.
Durant tout ce stage j’ai travaillé avec ardeur les corrections de groupe ou individuelles que Iijima Sensei nous indiquait.
Aussi ce point de faiblesse, ce poing à la faiblesse trop prononcée, s’est résolu de tir en tir. Pour résumer mes corrections personnelles, Hikiwake ouverture totale bonne, mais il faut ouvrir plus grand plus rapidement pour garder la bonne forme de Mete, plus de poigne dans Tenouchi et recaler Nerai suite à ces corrections.
Les deux premières corrections sont mises en place pendant la durée du stage, la visée est encore à travailler, serai-je bon un jour sur ce point?
Tous les jours quand nous allons à Macolin, je suis saisi d’une angoisse jusqu’au moment où nous commençons le travail, ensuite plus rien.
Examen
Le jour de l’examen, Nous allons vers Macolin sans que je ne ressente cette angoisse, mais arrivée à Macolin, elle revient sans la force des jours précédents mais elle est là et passant en dernier tireur de la journée, j’ai le temps de la faire grandir encore et encore.
Quand je sors de mes chaussures pour rentrer dans Hikae à l’arrière du Shajô, j’ai les mains moites et les pieds « poites ».
Lors de mon passage de shodan, il n’y avait de pas de séminaire précédent l’examen, donc juges et candidats ne se connaissaient pas. Il n’y avait pas de relation nouée entre les personnes. En ayant passé trois jours à travailler ensemble, les relations changent, les objectifs changent. On veut, on espère réussir, mais on veut aussi montrer le résultat du travail réalisé avec le sensei.
Pendant tout le tir, cet état nerveux ne me quitte pas. J’ai l’impression de n’être attentif à rien, mais je suis mon Sharei. Mon tour vient, j’applique les demandes du Sensei, horizontalité de la flèche, Tenouchi positionné dans Yugamae et qui reste immobile jusque dans Kai.
Hanare!
Aïe, mon arc glisse de ma main de la moitié du Nigiri. Il faut à tout prix que je corrige ce point sur Otoya. Je focalise toute mon attention sur la poigne que je dois exercer dans Tenouchi pour l’arc tourne sans tomber.
Mon tour revient. Tenouchi fixé, horizontalité de la flèche réalisée, Hikiwake ouvert loin derrière, Nerai corrigé un peu plus sur la gauche, mon esprit est tout entier dans mon Tenouchi.
Hanare!
Otoya tangente la Mato dans le cadrant supérieur gauche.
Yunde est entièrement sur le Yazurido. Catastrophe!
Je quitte le Shajô en conservant un maintien volontaire, je récupère mon Tsurumaki, m’éloigne de la sortie et je me laisse envahir par ma déception.
Je ne suis pas du tout content de mon passage sur le Shajô, je suis envahi de cet arc qui tombe et tombe encore. Et le problème n’est pas d’avoir la main qui s’ouvre pour faire Yugaeri, ce n’est pas ce qui a été corrigé par le Iijima Sensei. Aux gens qui ouvrent la main, il l’a signalé comme tel, pour moi ma main est trop lâche.
Je m’en veux d’avoir fait piètre présence devant les Sensei. Je suis furieux contre moi-même. Je ne sais plus si je mérite un niveau C ou pas. Je suis fébrile.
Dénouement et renouement
Pendant l’attente des résultats, je me persuade de mon échec à ce passage de dan ANKF. Pourquoi me donner un grade alors que j’échoue à résoudre une demande du Sensei ?
Les résultats affichés, je découvre enfin que ce manquement n’a pas été sanctionné et que mon niveau m’a été accordé. Cependant je n’éprouve pas de soulagement, la déception que je ressens pour mon tir, Iijima Sensei doit aussi l’avoir.
Je ne peux pas partir sans voir une dernière fois Iijima Sensei. J’attends jusqu’au départ des Sensei pour pouvoir lui adresser quelques mots. En me voyant à l’attendre, il vient vers moi et me félicite. La gorge nouée, je le remercie et dans la foulée, je lui présente mes excuses pour avoir laissé glisser mon arc sur mes deux tirs. Il me quitte en me signifiant que ce n’est rien.
Le cœur allégé, je puis retourner chez moi avec du travail ; continuer à répéter la position du Tenouchi (Iijima Masao), l’ouverture de l’Hikiwake (Iijima Masao), Nerai à repositionner (Iijima Masao), dans le Kai ouvrir la poitrine ou ouvrir avec les coudes pour avoir un Hanare moins violent (Erick Moisy et Peter Humm), je ne vais pas m’ennuyer.
Enfin quelques images du Sharei brillamment emmené par Eric:
Et les résultats: